lundi, octobre 08, 2007

Shadows have faces (5)

Quand j’ouvre la porte de la « cuisine » du fast food avec un retard maintenant de 23 minutes, le regard haineux de Todd le manager ne laisse rien présager de bon. Pour le coup je crois pendant quelques minutes en mes talents d’acteurs tellement mon licenciement n’est pas passé loin. Je réussi à enrober correctement une excuse bidon avec une moue de chien battu. L’allusion au « voisinage malveillant » à l’origine de mon pneu crevé ne me rend pas fier car c’est caresser la fibre raciste affichée par ce conard. L’instinct de survie nous pousse souvent à faire des choses peu recommandables et je me jure encore une fois que ça n’arrivera plus.

Je suis en colère, colère qu’il est tentant mais dangereux de passer sur les sandwichs. Il serait malvenu pour ma carrière de « chef cuistot de fast food» qu’un client vienne se plaindre qu’il manque à son cheeseburger la tranche de fromage. Mon esprit se perd de toute façon rapidement dans d’autres pensées. La pause arrivée je suis passé à autre chose et revenu à mon sujet de prédilection en ce moment. Jenny. Elle travaillait là quand je suis arrivé. C’est la seule qui a passé outre le fait que je sois français. Pas que ça soit mal vu. Mais je vous décris une première conversation typique à mon arrivée:

- Hey, where are you from?

- I’m French.

- You don’t sound like one

- My mom is from NY

- Awesome. I speak french you know.

- Yeah ?

- “Voulay-vous couchay avec moi ce soir” … That’s all I know man.

- Ahah (sourire gêné)

Après ça j’étais nouveau et étranger, celui qu’on ignore gentiment.

Jenny c’est la seule qui n’a pas essayé de me parler français. Elle ne connaissait rien à la France, ne s’en cachait pas, elle disait elle-même qu’elle avait quitté l’école trop tôt. Elle parlait en rigolant de sa crise d’adolescence qui disait elle, n’était derrière elle que depuis quelques semaines. Tout ça n’était pas sans m’évoquer mes propres conneries. Elle a travaillé ici seulement le temps de finir d’économiser pour reprendre ses études. Elle voulait s’installer en Europe parce que c’était sa seule chance de pouvoir les financer elle-même. Plus précisément en Espagne car elle parlait déjà la langue.

Avec Jenny pour un moment j’en oublie mes propres galères et j’en viens presque à attendre le boulot avec impatience quand elle travaille aussi. Hélas ma stratégie d’approche à long terme s’avère assez mauvaise quand elle m’apprend au bout de trois mois que ça y’est elle arrive à terme de deux années d’économies, qu’elle a réunie la somme nécessaire et a enfin acheté les billets. Dans trois semaines elle sera partie. Mon planning ne prévoit malheureusement pas de l’inviter à sortir avant quatre mois. Au pied du mur, je tergiverse encore deux semaines sur la conduite à tenir. Quand enfin je me suis persuadé de me jeter à l’eau coûte que coûte une modification de planning due à un manque d’effectif m’empêche de la revoir. J’hésite encore quelques jours et puis je me dis de toute façon il est trop tard elle s’en va. A quoi bon.

Le jour de son départ c’est elle qui m’envoie un message sur mon portable.

My plane is leaving in a few minutes. I’m sad we miss each other the last few days. Hope we will see each other again one day. I like you a lot.

“FUCK !”

L’exclamation a probablement retentie jusqu'au bout du bloc.

vendredi, septembre 07, 2007

Shadows have faces (4)

Je me couche néanmoins confiant dans l’aide que va m’apporter ce programme. L’illusion dure jusqu’au matin. Je me lève difficilement, l’erreur de la veille semblant peser un poids réel sur mes épaules. Il me faut seulement 4 minutes pour faire monter mon énervement à son paroxysme. Le temps pour moi de découvrir qu’il ne me reste plus de Miel Pops, de prendre une douche froide persuadé que le ballon d’eau chaude déconne encore alors que je fini par m’apercevoir que j’ai tourné le mauvais robinet. Et enfin la cerise sur le gâteau, mon uniforme de travail n’est pas comme me l’a indiqué ma feignante mémoire PROPRE mais couvert de sauce tartare après l’explosion dans mon dos d’un sachet de sauce.

En claquant la porte avec 7 minutes de retard, je me pose alors deux questions un peu tard : comment ais-je pu croire que ce sachet de sauce a explosé « accidentellement » dans mon dos comme l’a laissé entendre Julian. Et d’égale importance dans ma tête : comment ma vie en est elle arrivé là.

Techniquement assez simplement, mes parents me disent souvent que ma procréation est le résultat d’un jour de septembre un peu trop froid. Si dès l’age de 8 ans je m’interrogeais s’il était bien avisé de dire une telle chose à ses enfants. J’ai réussi à croire qu’être adulte implique une sorte de capacité innée de bon jugement jusqu’à 12. Après quoi mon père voulu me prouver que la réparation d’une GameBoy était à la portée de n’importe qui du moment qu’on posséda un fer à souder. La marque large d’un demi centimètre de plastique fondu dans la console à jamais inutilisable ne me persuada que d’une chose, on m’y reprendrait difficilement à faire confiance à tout individu mesurant plus d’un mètre. Mais blâmer mes parents serait choisir la solution de facilité. Il y’a aussi la société, le système éducatif, Dieu et l’univers. Je pense qu’il est vain d’ajouter une doléance de plus dans le cahier infini des réclamations à Dieu sachant que son taux de résolution est inférieur à la plus mauvaise hotline de service après vente et j’estime dangereux de faire n’importe quelle objection à l’univers qui pourrait très bien décider de faire croiser ma route avec celle d’un 35 tonnes histoire de me remettre en perspective. La société tout comme son système éducatif, j’écrirais bien à son propos un pavé incendiaire de récriminations mais j’ai peur de sonner comme un adolescent prépubert ayant du mal à comprendre qu’être un anarchiste signifie plus que mettre sa chambre en bordel.

Bref très vite on se retrouve face à l’unique vrai coupable. Moi. C’est la même prise de conscience qui m’apparu deux jours après avoir foulé pour la première fois le sol américain quand le voile de la colère commença à se dissiper. Mon exil a été provoqué par un désaccord avec mes parents qui après le redoublement de ma licence refusèrent de financer une année supplémentaire selon leurs propres termes de « beuverie et de débauche ». Si je leur accorde « beuverie », je conteste avec regret « débauche ». Toujours est-il que dans un entêtement adolescent j’achetais en secret mon billet d’avion et déployait une énergie inhabituelle dans l’obtention de mon visa. La maîtrise de la langue anglaise est la seule réussite de mon parcours scolaire, chose dont je retire une fierté ridicule car avec une mère américaine je suis bilingue depuis que je suis en age de parler. J’imaginais donc que mon voyage serait un parcours de santé pour troisième age. Je m’aperçu en fait rapidement que le premier chapitre de ce périple ne s’intitulerait pas « Mon retour triomphal : Pourquoi j’avais raison » mais « Survie dans un monde inamical et peu compréhensif ». Il me fallu un mois pour trouver un appartement, et mon boulot au Burger King. Un mois à revoir chaque jour mes exigences à la baisse et à observer le reste de mes économies sur mes bourses universitaires fondrent dangereusement.

dimanche, juillet 22, 2007

Shadows have faces (3)

Si je me défile autant c’est que je peur que vous la posiez. LA question pertinente :

« Quels cours d’acting as-tu suivi ? »

Ce qui m’oblige à confesser. Un club de théâtre à la fac de Lille. Dont j’ai séché la moitié des séances. Oui c’est tout. La seule jusqu'à maintenant à avoir percé la vérité à jour c’est Jenny. Mais pour parler de Jenny il faut d’abord parler d’une phrase percutante.

Get the Edge. C’est ce que je murmure en me réveillant dans mon salon. La première chose que je vois en ouvrant les yeux. C’est la boite ouverte de la pizza posée sur la moquette. Je me saisis machinalement de la dernière part. Froide. C’est comme ça que je la préfère. Je déteste par contre l’écoeurante croûte injectée de fromage que je détache d’un mouvement sec, une moue dégoûtée jusqu’au bord des lèvres.

Get the Edge. Cette fois c’est le poste de télévision qui l’a dit. Encore un de ces infomercial à la con. L’image est brouillée, tout juste reconnaissable, merci à l’antenne achetée au Cash Converter. Cette dernière pensée me rappelle où je suis. Dans mon appartement. Troisième étage. Mar Vista. L.A. California. Oui L.A. comme Los Angeles. Dit comme ça à priori ça en jette, en vrai pas grand-chose à voir avec les vues hélicoptères de gratte-ciels illuminés que vous voyez à la télé. J’habite dans un immeuble pourri, d’une partie de banlieue pourrie. Et si Hollywood n’est pas loin, pour l’instant la seule chose que j’en connais c’est les embouteillages.

Pour vous faire une idée de où je vis, on pourrait très bien confondre le lieu avec un repère de camés. Et pour ne rien arranger je suis bordélique. Le lecteur DVD annonce 2.55am (si je me penche un peu car le 2 est partiellement caché par une chaussette). Je me suis endormi pendant une énième coupure pub d’une rediffusion de Terminator 3.

Get the Edge. La phrase martelée une fois encore grossie à l’écran comme si elle essayait d’en sortir.

Change your life in 7 days poursuit l’informercial. 7 jours. Il y’a 6 mois que j’essaye de changer la mienne. Six mois que je suis arrivé aux Etat-Unis. Je me rappelle que je regardais à mon arrivée ces pubs continues d’un regard plein de condescendance. Ce soir, épuisé par l’assemblage de 253 burgers je ne souris plus. Je n’éteins pas le poste pour autant. Je reste là inerte, le regard vide, chaque seconde plus convaincu que ce programme de coaching personnel en 7 CD pour seulement $49,90 par disque est le petit coup de pouce dont j’ai besoin. J’écoute encore une fois un basketteur, une mère de famille, un obèse, un malade du cancer, et un entrepreneur m’expliquer comment dès le premier CD ils ont observé des résultats et je me retrouve en train de composer le 0800 403 404. La douceur de la voix féminine est bien trop suave pour continuer d’ignorer que je viens de me faire arnaquer proprement.

Shadows have faces (2)

En me rencontrant pour la première fois dans une soirée vous n’en apprendriez pas beaucoup plus sur moi. Eventuellement, sentant pointer l’ambiguïté, j’aurais besoin de vous préciser « hétérosexuel » mon goût un peu trop prononcé pour les vêtements aux couleurs de l’arc-en-ciel induisent parfois en erreur.

En quelques mots je me décrirais ainsi : « le physique de Confucius et la sagesse de Brad Pitt». Description censée refléter un mélange de classe, d’intelligence et d’humour. Vous vous en apercevrez vite si ce n’est déjà fait je suis bien moins que tout ça.

Il y’a une dernière chose avec moi, je déteste faire la conversation et j’ai un large stock de répliques pour y couper court. Par contre si vous réussissez à me lancer vous ne pourrez plus m’arrêter et croyez moi, vous ne voulez pas en arrivez là. Exemple ?

« Et sinon Josh à part tes études de langues qu’est ce que tu fais dans la vie ? »

En supposant qu’on soit un jour où je suis d’humeur à relever la banalité de votre question je réponds : « J’aime le cinéma, je vais devenir acteur. »

A ce point de la discussion vous pouvez faire deux erreurs.

Un. Prétendre que vous A-D-O-R-E-Z aussi le cinéma et me demander quels sont mes films préférés. Bravo, vous venez de ruiner votre soirée.

Je suis parti pour vous expliquer pourquoi je ne comprends pas ce que tout le monde trouve à Scarlett Johansson, à quel point Michel Gondry est un génie ou pourquoi je déteste Scarface. Pour un peu que vous m’horripiliez un chouilla je commence à vous décrire en détail les scènes des 7 Samurais en m’exclamant toutes les 10 secondes combien exceptionnel est ce film. Alors que franchement je le trouve chiant comme la mort.

Deux. Vous vous exclamez « Acteur wooh cool ! »

Félicitations vous venez de ruiner votre soirée. Parce que je n’aurais à répondre qu’un « Ouais » molasson pour tuer le conversation. La réponse honnête serait « Ouais c’est cool mais je travaille pour le moment au Burger King, multiplie les auditions sans suites, n’est ni agent ni argent. Ma plus grande réussite est pour l’instant un rôle de figurant dans une publicité pour une boisson gazeuse, tellement révolutionnaire que tout le monde en a déjà oubliée le nom. Evidemment tout ça je ne vous le dit pas et un silence pesant s’installe. Vous vous levez pour aller chercher une autre bière dans la baignoire. On sait très bien tous les deux que vous fuyez tant qu’il encore temps. Et entre nous, vous avez bien raison.

De toute façon je me rappelle très bien que celle que je viens de boire était la dernière.

lundi, mai 14, 2007

Shadows have faces (1)

J’aurais pu commencer ce récit par une phrase percutante. Une de celle qui vous laisse le souffle court, avide de lire la suite. Je l’aurais ressassée pendant des heures, me délectant d’anticipation à l’idée d’ébranler vos petits cerveaux endormis. Mais soyons honnête, en supposant que je sois capable d’une telle production, ça ne serait que remettre à plus tard la découverte de mon style hasardeux et maladroit.

J’ai décidé d’être franc avec vous. Franc, honnête, et direct. C’est je crois ma seule chance de vous préserver de l’ennui.

Josh. Mon prénom pourrait vous donner un indice sur qui de ma mère américaine ou de mon père français tient la culotte dans la famille. Seulement mon père, ce fieffé manipulateur, a laissé ma mère choisir mon prénom uniquement pour pouvoir choisir le prénom de la fille qu’il a toujours voulu avoir. Caroline. Le destin étant aussi retord pour lui que pour les autres, le deuxième enfant fut un Il. Ayant échoué -Dieu soit loué- à nommer mon petit frère Carolin, mon père s’efforce depuis de convaincre ma mère d’avoir un troisième. Ma mère lui répond qu’en porter deux a été assez épuisant comme ça. Que s’il veut une fille il n’a qu’à l’avoir lui-même. Oui. Ma mère a un sens de l’humour particulier. Et moi dans tout ça ? Je supporte ces conneries depuis 25 ans.

Vous vous demandez à quoi je ressemble ? Ma réponse quand je me regarde dans le miroir est « A rien » mais c’est obscurcir la vérité de mon cynisme. Si je n’ai pas un physique à casser des briques, je suis suffisamment ce qu’il faut pour avoir à mon actif une demi douzaine de relations. Une demi douzaine en langage masculin c’est quatre. Ayant durées moins de trois semaines. Si vous attendez de moi que je décrive la couleur de mes yeux, cheveux ou la taille de mon sexe, arrêtez votre lecture ici, on est ni dans la collection « Arlequin » ni sur Meetic.

mercredi, mai 02, 2007

La couleur des jours (12 et fin)

« J’ai eu une journée…difficile… ». Sa voix se casse. Le mot journée tient ici pour « vie ». Et puis tout y passe. Le coach. Le collège. Sa mère. Les soucis financiers. D’abord tout doucement, des blancs, des silences. Et puis ça s’accélère. Elle régurgite de plus en plus vite ces pensées remâchées pendant des semaines, des mois, des années. L’absence de son père. Les disputes de plus en plus fréquentes avec sa mère. Sa prise d’indépendance à 19 ans. Les multiples petits boulots. Sa tentative avortée de reprendre des études.

Si Jeremy avait montré le moindre signe d’ennui, elle se serait stoppée. Immédiatement. Se serait excusée plus que de nécessaire, aurait rangé sa misère affective dans chacune des petites boites. Ca n’aurait été qu’un remballage de plus. Une prise sur soi habituelle.

Mais Jeremy est aussi absorbée qu’elle, il acquiesce, parfois pose une question pour une précision, fait part de remarques étonnantes de bon sens. D’ailleurs en plein milieu de son récit sur comment elle a perdu sa meilleure amie, il la coupe alors qu’elle décrit une micro-dispute supplémentaire. Cette fois à propos de leurs divergences sur la meilleure voie après le bac. La prépa ou la fac. A l’époque elle soutenait que seule la fac pourrait lui apporter la liberté nécessaire. En fait elle a abandonné ses études avant ça.

Jeremy n’est pas perdu malgré tous les détours que prennent ses anecdotes et lui fait remarquer pertinemment qu’à ce moment là, la somme des différences entre elle et sa meilleure amie était probablement déjà devenue trop grande pour que leur relation se dirige ailleurs que dans le mur. Elle reste abasourdie. Elle n’a pas encore atteint le point culminant de son récit : une dispute monumentale dont elle tient son caractère pour responsable qui les a définitivement brouillées.

Et maintenant qu’elle y repense, il n’a pas tord, dans leur dernière année de lycée Emilie est devenue cette pimbêche élitiste, prenant tout le monde de haut, des élèves aux professeurs en passant par ses parents et à la fin même ses amis.

Ca lui fait un choc, elle les a toujours blâmés, elle et son maudit caractère pour leur éloignement. C’est ce qu’elle dit à Jeremy.

« Peut être que des fois ton caractère n’est qu’un catalyseur.»

Elle ressent la phrase comme si on lui enlevait une épée passée en travers de la gorge. Epée qui aurait été là depuis si longtemps qu’elle en a oublié combien elle fait mal.

Marine est livide, et ça doit se voir car Jeremy la prend dans ses bras. Et elle le connaît assez pour savoir à quel point ça lui est anti-naturel. Bientôt leur étreinte devient caresses et embrassades. Le moment n’a rien de torride. Il se situe plutôt dans la douceur et l’apaisement que peuvent se procurer deux âmes qui partagent le même épuisement moral. Ils finissent d’ailleurs par s’endormir, pelotonnés l’un contre l’autre dans le canapé.

Le lendemain quand Marine s’éveille, elle a cette certitude qu’aujourd’hui et un nombre indéterminés de jours suivants seront roses. Rose pale.

Relation naissante. Guérison lente. Dirait un horoscope bien avisé.

mardi, février 20, 2007

La couleur des jours (11)

« Entre. J’étais en train de faire à manger ». Faire à manger selon Jeremy c’est faire cuire une immense casserole de pattes auquel il ajoute le même volume de gruyère. Qu’il râpe lui-même, il y tient.
Le regard perdu dans les bulles de l’eau bouillante, Marine en arrière plan, bredouille des excuses : « Je suis désolée pour la dernière fois. Je n’aurais pas du m’énerver comme ça. Il n’était même pas tôt. ».
« Oh t’en fais pas. On passe déjà sa vie à s’excuser, alors pour des trucs comme ça. ». Il sourit, d’un sourire qui vient de loin.
Quelques minutes plus tard ils sont chacun en train de manger en silence une gigantesque plâtrée de pâtes sur la table basse du salon devant une télévision à écran plat à l’échelle des appétits gargantuesques de Jeremy. Eteinte parce qu'elle ne marche pas. Il s'est fait avoir par un site Internet peu scrupuleux lui explique t-il. Le silence prend fin à la seconde où Jeremy avale sa dernière patte.
« Tu es est bien calme aujourd’hui » dit-il, comme il énnoncerait la météo du jour.
Il lui parle avec la même familiarité que du temps où ils prenaient régulièrement un chocolat chaud ensemble, la majorité des vendredi soirs. Bien sûr ça, c’était avant son pétage de plomb dans la rampe d’escalier. Depuis Marine l’a évité autant que possible. Elle est secouée par le fait que rien ne semble montrer qu’il lui tient rigueur pour cet incident, ce énième saut d’humeur. Elle a passé tout ce temps à s’auto-flageller mentalement et lui, il balaye tout d’un revers de la main. Comme si après tout c’était secondaire.

samedi, décembre 23, 2006

La couleur des jours (10)

Elle se trompe deux fois de code, chose qui d’habitude la fait pester, voir donner un insignifiant coup de pied dans la porte. Rien de tout ça aujourd’hui. Elle a l’impression d’être au bout de sa colère. Une colère qu’elle aurait mise vingt ans à éliminer. Arrivé devant la porte de son appartement elle s’aperçoit qu’elle a laissé ses clés à l’intérieur, elle n’a pas besoin de vider son sac trois fois, elle a acheté un porte-clé immense pour éviter ce genre de situation. Une figurine ‘Hello Kitty’ quelque peu disproportionnée pour un porte clé, qui lui vaut des coups d’œils amusés quand il lui arrive de déballer son sac à main en public.

Ceci étant dit elle n’est pas bien avancé, et la concierge est partie faire ses courses, elle a vue le post-it « je reviens dans une heure » en passant devant sa porte. Une heure qui si l’on compte les cancans de supermarché risque de se transformer rapidement en deux ou trois. Ressortir, ou alors frapper à la porte d’en face, Jeremy son voisin adorable qu’elle évite depuis qu’elle s’est indignée du tapage « inacceptable » qu’il a fait un samedi matin laissant le pauvre garçon quelque peu penaud.

La mort par la honte, ou alors retourner affronter le monde extérieur qui lui semble maintenant empli de dangers insurmontables. Elle frappe donc doucement. Trois coups lâches.

« Marine » s’exclame Jeremy franchement surpris.