Shadows have faces (3)
Si je me défile autant c’est que je peur que vous la posiez. LA question pertinente :
« Quels cours d’acting as-tu suivi ? »
Ce qui m’oblige à confesser. Un club de théâtre à la fac de Lille. Dont j’ai séché la moitié des séances. Oui c’est tout. La seule jusqu'à maintenant à avoir percé la vérité à jour c’est Jenny. Mais pour parler de Jenny il faut d’abord parler d’une phrase percutante.
Get the Edge. C’est ce que je murmure en me réveillant dans mon salon. La première chose que je vois en ouvrant les yeux. C’est la boite ouverte de la pizza posée sur la moquette. Je me saisis machinalement de la dernière part. Froide. C’est comme ça que je la préfère. Je déteste par contre l’écoeurante croûte injectée de fromage que je détache d’un mouvement sec, une moue dégoûtée jusqu’au bord des lèvres.
Get the Edge. Cette fois c’est le poste de télévision qui l’a dit. Encore un de ces infomercial à la con. L’image est brouillée, tout juste reconnaissable, merci à l’antenne achetée au Cash Converter. Cette dernière pensée me rappelle où je suis. Dans mon appartement. Troisième étage. Mar Vista. L.A. California. Oui L.A. comme Los Angeles. Dit comme ça à priori ça en jette, en vrai pas grand-chose à voir avec les vues hélicoptères de gratte-ciels illuminés que vous voyez à la télé. J’habite dans un immeuble pourri, d’une partie de banlieue pourrie. Et si Hollywood n’est pas loin, pour l’instant la seule chose que j’en connais c’est les embouteillages.
Pour vous faire une idée de où je vis, on pourrait très bien confondre le lieu avec un repère de camés. Et pour ne rien arranger je suis bordélique. Le lecteur DVD annonce 2.55am (si je me penche un peu car le 2 est partiellement caché par une chaussette). Je me suis endormi pendant une énième coupure pub d’une rediffusion de Terminator 3.
Get the Edge. La phrase martelée une fois encore grossie à l’écran comme si elle essayait d’en sortir.
Change your life in 7 days poursuit l’informercial. 7 jours. Il y’a 6 mois que j’essaye de changer la mienne. Six mois que je suis arrivé aux Etat-Unis. Je me rappelle que je regardais à mon arrivée ces pubs continues d’un regard plein de condescendance. Ce soir, épuisé par l’assemblage de 253 burgers je ne souris plus. Je n’éteins pas le poste pour autant. Je reste là inerte, le regard vide, chaque seconde plus convaincu que ce programme de coaching personnel en 7 CD pour seulement $49,90 par disque est le petit coup de pouce dont j’ai besoin. J’écoute encore une fois un basketteur, une mère de famille, un obèse, un malade du cancer, et un entrepreneur m’expliquer comment dès le premier CD ils ont observé des résultats et je me retrouve en train de composer le 0800 403 404. La douceur de la voix féminine est bien trop suave pour continuer d’ignorer que je viens de me faire arnaquer proprement.