La couleur des jours (8)
Alors qu’elle laisse le chocolat se diffuser doucement dans sa bouche –un éclair au chocolat est toujours trop vite mangé- elle repense à cette après midi de collège semblable à combien d’autres. Tout ça parait si futile maintenant.
Comment est ce que ça a commencé.
Elle discute avec Emilie, elles ont discuté tout le long de la pause repas, elles ne font même pas attention que machinalement elles sont entrées en cours tellement elles sont absorbées dans leur conversation entrecoupée de fous rires.
« Marine ! Emilie ! Calmez-vous »
Retour brutal dans le réel.
Bref, car rapidement elles y retournent dans leur petit monde neuf et changeant de futilités adolescentes.
« Votre rédaction Marine » la voie agacée de la vieille acariâtre est proche. Elle tourne la tête, lève les yeux. Effectivement elle est devant elle, la main tendue. Cet air suppliant de chiot –chiot qui aurait des rides assez vilaines- fait naître un sourire que Marine se dépêche de réprimer car elle sent la tension dans l’air.
« Alors ? »
« Je l’ai pas, j’étais malade toute la semaine dernière madame »
« Oui, oui c’est ça »
« Quoi faut que je vous ramène un peu de mon vomi pour que vous me croyez »
Gloussements dans la salle, cris faussement écoeuré, un cours qui devait être une longue sieste digestive s’avère plus intéressant que prévu. Certains calculent déjà si cet évènement va les aider ou non sur le fait qu’ils n’ont pas plus de rédaction à fournir que Marine.
« Vous me parlez sur un autre ton »
« Si je suis coupable avant d’avoir commis une faute autant pour que je sois punie pour quelque chose, face de rat »
Silence. La rupture d’une limite désarçonne ceux qui s’amusent sans cesse à l’approcher sans oser la franchir.
L’acariâtre le souffle coupé, a se sentiment dégoûtant d’être exposée à nu devant tous ces jeunes gens que pendant un instant elle ne reconnaît plus. Très vite les mots repartent, s’accumulent : proviseur, exclusion, scandale, petite peste, ingrate, heure de colles, arrivez à rien, insolence … Marine n’écoute plus, elle sourit avec toute l’insolence qu’elle peut.
Quand plus tard devant le parvis du collège désert sa mère la regarde, il n’y a plus que du vide dans ses yeux, et c’est à ce moment que le sourire de Marine disparaît enfin.