jeudi, mars 30, 2006

La couleur des jours (4)

Elle reste le souffle coupé pendant plusieurs longues seconde, et semble suffoquer un instant. Elle tousse difficilement.

Le coach reprend. "Vous souffrez de troubles émotionnels, il n'est pas de mon ressort de..."
Marine le coupe. "Parce que quand on est trop timide on ne souffre pas de troubles émotionnels, pourtant vous ne rechignez pas sur ces clients là !"
- "Nous n'acceptons que certains types de clients Mlle Savagnat, et d'après l'analyse du questionnaire, nous avons pensés que..."
- "QUE QUOI!"
- "Ne vous énervez pas, seulement il y'a déjà eu des précédents avec d'autres patients trop impulsifs et notre assurance ne couvre pas..."
Rouge de colère, elle se lève, le foudroie du regard et pendant un instant hésite à lui sauter dessus et à l'étrangler avec sa cravate. Trop impulsive! Evidemment c'est pour ça qu'elle les paye.
- "Si vous rompez le contrat aujourd'hui vous savez que nous serons obligé de retenir l'avoir que..."
Elle s'est promis de ne plus céder, elle lui renverse son chocolat encore tiède sur la tête: -"Vous pourrez y ajouter les frais de pressing, pauvre con". Elle se le jure, promis, demain elle arrête.

dimanche, mars 19, 2006

La couleur des jours (3)

Marine est partagée entre l'envie de flâner tout au long du chemin et une envie qui lui fait presser le pas : l’envie d’être déjà arrivée. De toute façon avant d'avoir tranché quelle allure adopter elle est devant le bar.

Elle entre comme une bourrasque, et la violence de son entrée fait sursauter le barman au comptoir et surtout la fait sursauter elle. Sans jeter un oeil à la salle elle se précipite pour commander un chocolat chaud. Ceci étant fait elle se permet enfin un regard circulaire.

Il est déjà là. Son coeur fait un bond, il l'a vu. Il la reconnaît sûrement d'après la photo du dossier. Il lui fait un signe, il est maintenant trop tard pour reculer, elle s'avance, tend la main par dessus la table s'écriant presque son prénom "Marine!".

L'homme au visage jusque là impassible se fend d'un large sourire,

"- Antoine Gasher, comme on a du vous le communiquer à l'agence".

Il est un plus âgé qu'elle ne l'avait imaginé, il a presque la cinquantaine et au charisme qui s'en dégage, Marine pense qu'il a déjà du séduire déjà de nombreuses femmes.

Mais elle n'est pas là pour ça, et lui non plus, enfin pas tout à fait. Elle le paye.

Et si elle le paye si cher ce cher Antoine c'est pour qu'il soit son coach.

Et si Marine fait appel à un coach, ce n'est pas pour céder à la tendance qui veut que l'on paye des gens pour vous apprendre à chercher l'âme soeur, Marine elle, a besoin du contraire: qu'on lui apprenne à être timide.

Elle prend place à la table.

L'homme semble pendant un court moment rassembler ses pensées, il prend un air grave, elle a l'impression qu'il hésite à dire ce qu'il s'apprête à prononcer.

« Avant de commencer, j'aimerais vous répéter ce qu’ils auraient du vous dire tout de suite à l’agence : vous devriez plutôt voir un psychiatre».

mardi, mars 07, 2006

La couleur des jours (2)

Sereine, c’est comme ça qu’elle se sent en franchissant la lourde porte en bois. Le ciel est bleu, les oiseaux chantent ce n’est pas toujours un cliché.

De derrière plusieurs rangées d’immeubles courent le long des murs les cris d’enfants jouant dans une cour d’école. C’est le genre de fait immuable qui la rassure.

De même qu’elle prend le temps de vérifier qu’aucun nuage n’est près à venir perturber cette matinée. Rien à gauche. Rien à droite. Elle est prête. Enfin. Elle pense maintenant à son objectif : le bar « Le trop chaud ». Elle n’ose pas penser aux jeux de mots qu’elle pourrait faire avec, le temps n’est plus à la distraction.

Il est temps de penser à comment elle va se présenter, il paraît que la première impression dans une rencontre c’est déjà la moitié de l’impression de faîte. « Enchantée je m’appelle Marine ? », trop solennel dixit le magazine 20 ans. Elle essaye de se rappeler ce qui était conseillé, mais elle n'arrive pas à se rappeler la phrase de l’article. Elle est se rappelle seulement avoir trouvé ça stupide. Après tout être solennel c’est très bien parfois.

Et puis « 20 ans », elle se demande pourquoi elle lit encore ça, à vingt six ans.